Anaori abattit sa
(émoticône de merde !) pour au moins la trentième fois et le jeune arbre qu'il avait choisi s'effondra enfin. Epuisé, il s'assit sur la souche pour reprendre son souffle. Quelques heures plus tôt, Geldion avait rapporté les observations d'Anaori au chef du village, qui avait ensuite écouté le témoin. Après une dizaine de minutes, il avait ordonné de tout mettre en oeuvre pour retenir cette armée ; tout le village s'était mobilisé : le forgeron fabriquait des armes, le menuisier créait des arcs et des flèches et le reste des villageois coupaient des arbres pour construire une palissade. Mais juste après, le chef avait attiré Anaori contre son énorme torse et lui avait murmuré froidement à l'oreille :
- Tout le village a interrompu ses activités pour ton affirmation qu'une bataille se prépare. Si ce que tu dis est faux, je me chargerai personnellement de ton cas, est-ce clair ?
- Oui, chef, répondit Anaori sans ciller.
Le géant lui avait alors fait signe de disposer et Anaori était allé rejoindre les bûcherons. Puis ceux-ci étaient partis manger, ce qu'Anaori refusait : il avait vu l'armée ennemie et il ne l'a laissera pas réduire son village à néant. Enragé, il était resté et avait redoublé d'efforts.
Soudain, le jeune homme se releva en voyant arriver Goreman et deux de ses sbires. Ils se dirigeaient vers lui.
- Déjà fatigué la larve, attaqua Goreman.
Ces deux compères éclatèrent de rire.
- La palissade ne risque pas d'avancer si on ne compte que sur toi, continua le jeune homme.
- Sur toi non plus, répondit Anaori. Surtout si tu passes ton temps à décourager ceux qui travaillent.
Une étincelle de colère s'alluma dans le regard de Goreman tandis que l'un de ses camarades saisit l'apprenti boucher par le col et le souleva de terre d'une seule main.
- Calme Gortum, dit Goreman en riant doucement.
Puis il se tourna vers Anaori.
- Je vois que tu n'as pas compris ce que nous faisons là... Mais n'ait crainte, je vais t'expliquer petit homme.
Il perdit son air ironique et continua :
- Cette attaque est une issue qui se présente enfin à nous pour quitter ce trou. Nous allons nous rendre et nous battre aux côtés de cette armée mystérieuse, moi et mes camarades. Ainsi, nous entrerons enfin dans le cadre de la guerre et nous pourrons enfin nous lancer dans la quête de tous les guerriers : devenir le plus puissant de ce monde !
- Tu abandonnerais ton foyer pour rejoindre ces barbares ? s'étonna Anaori qui n'en revenait pas.
Il savait que Goreman était loin d'être un sage, mais de là à trahir son village...
- Je te l'avais dit Gor, s'exclama Gortum avec dégoût. Ce n'est qu'une larve maigrichonne et trouillarde.
- C'est vrai, tu avais raison, répondit le chef de la bande d'une voix monocorde. Tue-le.
Avant qu'Anaori ait le temps de réagir, le poing énorme de Gortum qui le tenait toujours s'écrasa contre sa tempe et l'envoya à trois mètres. Anaori s'écrasa contre un arbre avant de perdre conscience.
Une claque le réveilla aussitôt. Goreman et son compagnon était parti mais la face hideuse de Gortum était toujours dans son champ de vision.
- Avant de te tuer, on va s'amuser un peu, déclara jovialement la brute.
En effet, Gortum était doté d'une forte carrure et était réputé comme le plus fort jeune homme du village après Goreman. Son père était bûcheron et il avait l'habitude de l'aider dans sa tâche. Quant à son visage, son nez avait été cassé de multiples fois et une cicatrice violacée luisait sur son cou depuis qu'un homme avait tenté de l'assassiner dans une taverne mais avait manqué son artère de justesse ; en revanche, Gortum ne l'avait pas raté.
Anaori s'écroula une nouvelle fois avant de se prendre une avalanche de coup pieds dans les côtes.
- T'es vraiment trop nul, beugla son adversaire. On va donc finir le travail plus tôt que prévu.
Il éclata de rire et dégaina la
qu'il portait à la ceinture. Toujours à terre, Anaori profita de son moment d'inattention et lui jeta son pied dans le genou. Celui-ci craqua et se plia à l’inverse de l’articulation. Gortum lâcha son arme et s’effondra en hurlant. Drogué à l’adrénaline, Anaori roula, prit la
et le décapita. Il sentit chaque muscle et chaque nerf de Gortum se rompre tandis que son cri s’arrêta brutalement. Pris de nausée, le jeune homme laissa tomber son arme et vomit dans l’herbe désormais tâché de sang.
Une fois l’estomac vide, Anaori contempla le cadavre de Gortum. Comment allait-il faire ? La pause était bientôt terminée et les villageois allaient revenir…
Encore tremblant, le jeune homme prit le corps et l’emmena un peu plus loin. Il revint en courant et, en réprimant sa nausée, attrapa la tête et la jeta au loin. Puis il se remit au travail en tentant d’oublier ses dernières minutes, et surtout en priant pour que personne ne découvre les restes du jeune fils bûcheron.
« Gortum est mort assez loin de la palissade. Avec un peu de chance, ils ne verront même pas le sang sur l’herbe », pensa Anaori.
Une dizaine de minutes plus tard, les travailleurs revinrent et la construction recommença. Mais au bout d’une heure, Jinf, un villageois rustre et costaud, s’éloigna.
- Faut qu’j’aille chier, expliqua-t-il poliment.
Anaori sentit son estomac dégringoler jusqu’à ses chevilles. Jinf se dirigeait à l’endroit même où Gortum avait été abattu.
- Eh ! s’écria-t-il. Y a du sang partout !